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La taxe carbone expliquée à un patron de PME

 

Jean-Baptiste Cottenceau 
01/10/2019
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La taxation carbone a été mise en place en France en 2014. Elle vient s’insérer sur les taxes internes existantes, soient la TICPE (pour les produits pétroliers) et la TICGN (pour le gaz naturel). Elle a connu une augmentation jusqu’à son gel par le gouvernement en 2018 à la suite de la crise des gilets jaunes. Le taux officiel de la Contribution Climat Energie (CCE) est aujourd’hui en France de 44,6€/tCO2, ce qui correspond environ à 12-13 centimes d’euros par litre de carburant1.
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Pourquoi la taxe carbone pourrait (devrait) augmenter ?

Des objectifs français ambitieux

La France s’est engagée à réduire ses émissions de GES de 40% d’ici 2030.

Le Conseil des Prélèvements Obligatoires (CPO), organisme associé à la Cour des Comptes, a publié un rapport intitulé "La fiscalité environnementale au cœur de l'urgence climatique"3 (18/09/2019) montrant que les objectifs français ne seront pas atteints sans un renforcement de la fiscalité carbone. En effet, maintenir la CCE au taux actuel ne permettrait qu’une réduction de 25% des émissions à l’horizon 2030.

A combien faudrait-il positionner la taxe ?

Le CPO fournit deux scénarios de relance de la taxe carbone3 :

  • Une trajectoire modérée :augmentation annuelle d’environ 1,1 à 1,3 centimes d’euros par litre de carburant. (100€/tCO2 en 2030)
  • Une trajectoire plus ambitieuse : augmentation annuelle de 5,6 à 6,5 centimes d’euros par litre de carburant (250€/tCO2 en 2030).

Ainsi les deux scénarios entraîneraient respectivement une baisse tendancielle de 29% et 34% des émissions de GES d’ici 2030.

Précisons que la seule taxe carbone n’est pas suffisante pour atteindre les objectifs français en matière d’émissions. La France engage d’autres instruments, fiscaux ou non, incitatifs et pénalisants permettant d’orienter les décisions.

Question aux patrons : « connaissant le nombre de litres consommés par votre flotte de véhicule de société, quels seraient les impacts financiers à venir sur votre compte de résultat ?

Deux propositions pour vivre avec une taxe carbone

1.Encourager une meilleure répartition sectorielle des efforts.

Comment fonctionne la tarification carbone dans le monde ?

Rappelons que la fiscalité carbone s’applique de manière générale selon deux modalités : par des systèmes de quotas échangeables, et par des dispositifs de taxe carbone réelle. Cette dernière est la somme des droits d’accise sur les carburants et de la taxe carbone explicite (ou CCE) qui correspond à ce que l’on dénomme plus couramment « taxe carbone ».

Concrètement, qui contribue à la tarification ?

Dans son rapport « Taxer la consommation d’énergie – 2019 »1 l’OCDE montre que les taux normaux, annoncés par les pays, sont souvent très différents des taux réels moyens de la fiscalité carbone (en France on est en dessous de 30€/tCO2 contre 44,6 annoncés). Cet écart est la conséquence du choix des pays de ne pas fiscaliser une partie de l’assiette ou alors de donner des taux préférentiels, voire des exonérations de taxes, à de nombreux secteurs. Ainsi, seules 18% des émissions de GES hors transports routiers sont taxées. La majorité des choix d’exonération se fait à l’échelle nationale. En France, parmi les secteurs exonérés on compte, par exemple, le transport aérien et fluvial intérieur, le gazole non routier ou encore les professionnels agricoles.

Le CPO insiste sur l’importance d’étendre l’assiette et donc de supprimer ou de réduire les exonérations avant de remettre la taxe sur la table. Le CAE (Conseil d’Analyse Economique) a publié de surcroît en mars dernier une note dans laquelle il montre l’écart de contribution à la tarification carbone entre les quotas d’émissions et la CCE. Il utilise l’indicateur de l’OCDE « carbon pricing gap » pour mesurer l’éloignement de la tarification à un prix compatible avec nos objectifs.

Réduire ce « déficit carbone » c’est donc continuer d’augmenter la CCE mais c’est surtout augmenter le prix et l’étendue des quotas - actuellement inférieurs à 25€/tCO2. CPO et CAE appellent donc à une plus grande cohérence entre les deux sources de tarification environnementale.

 

2.Accompagner les ménages les plus modestes et les entreprises les plus dépendantes des ressources fossiles.

La note du CAE montre que la taxe telle qu’elle se présentait en 2018 demandait un effort proportionnellement plus important aux ménages les plus modestes. Le CPO annonce que des mesures compensatoires pourraient être mises en place comme soutien aux ménages et aux entreprises les plus vulnérables.

Le CPO ajoute qu'une relance modérée (<100€/tCO2) ne permettrait pas d’augmenter les recettes, à cause de « l’érosion de l’assiette » et rendrait difficile l’idée de reverser une partie de ces recettes pour l’accompagnement en question. 

Qui sera chargé de relancer la taxe carbone ?

Conséquence de la crise des gilets jaune, la taxe carbone apparaîtra pas dans le budget 2020. La convention citoyenne, constituée de 150 français tirés au sort, sera chargée de donner des conclusions sur le sujet.

 

Conclusion :

Le prix du carbone est indéniablement un critère déterminant dans les transitions énergétiques et climatiques à venir. Il vous revient d’en mesurer les impacts actuels et à venir tout en commençant si ce n’est pas déjà fait, à mettre en place des mesures de réduction de vos émissions de gaz à effet de serre.



Sources : 

[1] Taxer la consommation d’énergie – 2019, OCDE 

[2] Pour le Climat : une taxe juste, pas juste une taxe, CAE

[3] La fiscalité environnementale au défi de l’urgence climatique, CPO