Pourquoi le moment « rattaché » est désormais important aux fins de l’application de l’impôt de la partie IV dans les structures de fiducie

Vefghi Holding Corp. et al. c. Le Roi (CCI/CAF)

James Pepple, Malissa Rastoul
2025-10-14
La décision de la Cour d'appel fédérale : Dans les situations où une fiducie familiale reçoit un dividende d'une société privée et l’attribue à un bénéficiaire corporatif en vertu du paragraphe 104(19), la Cour d'appel fédérale (le 11 août 2025) a déterminé qu'il faut vérifier si le payeur et le bénéficiaire sont « rattachés » à la fin de l'année d'imposition de la fiducie et non au moment où le dividende a été versé à la fiducie. Si la société payante et la société bénéficiaire du dividende ne sont pas rattachées à la fin de l'année d’imposition de la fiducie, l'impôt de la partie IV peut s'appliquer à la société bénéficiaire, même si les sociétés étaient rattachées au moment du versement du dividende. 

Qu'est-ce que l'impôt de la partie IV ?


L'impôt de la partie IV est un impôt remboursable de 38 1/3 % qui peut s'appliquer lorsqu'une société privée canadienne reçoit un dividende d'une autre société canadienne. Bien que la plupart des dividendes intersociétés ne soient pas assujettis à l'impôt de la partie I, l’impôt de la partie IV s'applique généralement aux dividendes intersociétés reçus par une société privée canadienne. Une exception importante s’applique dans les cas où le bénéficiaire et le payeur sont des « sociétés rattachées ».

Deux sociétés sont généralement rattachées si le bénéficiaire contrôle le payeur ou détient une participation suffisante (généralement plus de 10 % des droits de vote et de la valeur). Dans les structures courantes de propriétaire-gestionnaire qui comprennent une fiducie familiale, un dividende peut être versé à la fiducie, puis attribué à une société bénéficiaire. Dans ce cas, la société bénéficiaire serait « rattachée » à la société versant le dividende si les deux sociétés sont contrôlées par la même personne.

Toutefois, si les actions du payeur du dividende sont vendues au cours de l'année, les sociétés cesseraient d'être rattachées immédiatement après la vente. Dans le contexte des dividendes versés par l'intermédiaire d'une fiducie, le dividende serait considéré comme ayant été reçu par la société bénéficiaire à la fin de l'année d’imposition de la fiducie et donc à un moment où les sociétés pourraient ne pas être rattachées. 

Que s'est-il passé dans l'affaire Vefghi ?


Les faits importants de l'affaire Vefghi sont les suivants :

  • Vefghi Holding Corporation (« Vefghi Holding ») était bénéficiaire de la fiducie familiale Vefghi (fiduciaires Rahmatollah Vefghi et Parvin Yavari).
  • La fiducie familiale Vefghi détenait toutes les actions ordinaires avec droit de vote de catégorie A de R. Vefghi Environmental Consultant Inc. (« Vefghi Environmental ») ; la fiducie et Vefghi Environmental Holding avaient toutes deux une fin d’année d’imposition au 31 décembre.
  • Le 1er juillet 2015, Vefghi Environmental a déclaré et versé un dividende de 1 363 283 $ sur ces actions. Plus tard dans la journée, la fiducie a vendu ses actions de Vefghi Environmental à un acheteur sans lien de dépendance, mettant ainsi fin au statut de sociétés rattachées avant la fin de l'année d’imposition.
  • La fiducie a attribué et désigné le même montant à Vefghi Holding en vertu du paragraphe 104(19) dans sa déclaration de 2015 et l'ARC a cotisé de l'impôt de la partie IV à Vefghi Holding, soulevant ainsi la question du moment où il fallait déterminer si Vefghi Environmental et Vefghi Holding étaient rattachées.

La Cour a conclu de la façon suivante :

  • À la Cour de l'impôt (2023) : Sur une question posée, la Cour de l'impôt a estimé que le « rattachement » (pour la réduction de l'impôt de la partie IV) est généralement vérifié lorsque la fiducie a effectivement reçu le dividende, à condition que la société bénéficiaire soit réputée l'avoir reçu au cours de la même année ; sinon, il est considéré comme reçu au cours de l'année suivante du bénéficiaire. Sur la base de la décision de la Cour de l'impôt, l’impôt de la partie IV ne s'appliquait pas à Vefghi.
  • En appel (CAF 2025) : La CAF a accueilli l'appel de la Couronne et a répondu différemment à la question : lorsqu'une fiducie fait une désignation valide en vertu du paragraphe 104(19), on détermine le « rattachement » pour l'alinéa 186(1)a) à la fin de l'année d'imposition de la fiducie au cours de laquelle la fiducie a reçu le dividende. Cela correspond à l'opinion de longue date de l'ARC concernant le moment où la désignation prend effet. 

Pourquoi cela est-il important pour les fiducies familiales avec un bénéficiaire corporatif ?


Les groupes de propriétaire-gestionnaire ont souvent recours à un « sandwich de fiducie » : une société privée verse un dividende à une fiducie familiale et la fiducie attribue ce dividende à un bénéficiaire corporatif. Le paiement de dividendes annuels ne remettra pas en cause l'application de l'impôt de la partie IV, puisque les sociétés restent rattachées à la fin de l'année d’imposition de la fiducie. Toutefois, dans le contexte de la vente d’actions d’une société privée, le payeur et le bénéficiaire du dividende ne seront plus rattachés à la fin de l'année d'imposition de la fiducie en raison d'un changement de contrôle du payeur du dividende en faveur d'un tiers acheteur. En vertu de la règle de la CAF : si le payeur du dividend et le bénéficiaire corporatif cessent d'être rattachés avant la fin de l'année d’imposition de la fiducie (par exemple, parce que le payeur du dividende est vendu), l'exception pour les sociétés rattachées ne s'appliquera pas et l'impôt de la partie IV s'appliquera au bénéficiaire corporatif, même s'ils étaient rattachés le jour où le dividende a été versé. 

Conclusion


D'après la décision de la CAF, le moment choisi pour déterminer le rattachement est la fin de l’année d’imposition de la fiducie lorsque la fiducie attribue des dividendes à un bénéficiaire corporatif. Les groupes de sociétés qui utilisent une fiducie familiale avec un bénéficiaire corporatif doivent prêter une attention particulière à cette question de moment, en particulier dans le contexte d'une vente d'actions ou d'une réorganisation. 

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