Opportunités de planification fiscale en temps de crise

Opportunités de planification fiscale en temps de crise

2020-04-13
Opportunités de planification fiscale en temps de crise

Dans la foulée de la crise de la COVID-19, nous voulons rappeler à nos clients certaines opportunités de planification fiscale qui pourraient potentiellement contribuer à atténuer les dommages auxquels de nombreux propriétaires d’entreprise sont aujourd’hui confrontés.

Possibilité d’effectuer un gel successoral

Un gel successoral est une technique de planification fiscale utilisée pour minimiser les conséquences fiscales découlant du décès. Il sert également à multiplier l’exonération des gains en capital parmi les bénéficiaires d’une fiducie lors d’une vente future de l’entreprise. C’est un moyen de « geler » la valeur actuelle des actions en franchise d’impôt, afin que l’actionnaire évite de payer de l’impôt sur des gains en capital supplémentaires lors du décès. Une société est toujours « gelée » à sa juste valeur marchande, ce qui signifie que l’actionnaire initial conserve les actions de gel non participantes ayant une valeur de rachat égale à leur juste valeur marchande au moment du gel. Lors du décès de cet individu, il ne paie de l’impôt que sur le gain résultant des actions de gel, tandis que la valeur supplémentaire qui s’est accumulée depuis le gel s’accumule en faveur de la génération suivante. De même, lorsqu’une fiducie est introduite à titre d’actionnaire, l’augmentation de la valeur de la société bénéficie à la fiducie. Cette technique permet de répartir parmi les bénéficiaires le gain en capital réalisé par la fiducie lors de la vente des actions de la société. Ces derniers peuvent alors réclamer leur exonération des gains en capital.

En temps de crise, la valeur de plusieurs sociétés peut diminuer de façon marquée. C’est précisément à ce moment que nous devons nous demander s’il s’agit d’un moment approprié pour procéder à un gel (ou bien à un regel à une valeur inférieure) des actions d’une société afin que nos clients puissent maximiser le report d’impôt à la prochaine génération ainsi que le mécanisme de réclamation de l’exonération des gains en capital. Un gel successoral est un outil simple dont la mise en œuvre n’est généralement pas trop onéreuse, mais qui peut mener à d’importantes économies d’impôt dans le futur.

En gardant cela à l’esprit, il est également opportun de vérifier le capital-actions de la société, tel que prévu dans ses statuts constitutifs. Nous pouvons ainsi nous assurer que les catégories d’actions appropriées pour procéder à un gel successoral se retrouvent dans le capital-actions de la société et, si ce n’est pas le cas, obtenir des statuts de modification pour ajouter les catégories d’actions requises. Cela permettra à une société de procéder à un gel successoral à tout moment après l’obtention des statuts de modification sachant qu’il est souhaitable que le gel soit fait à la valeur la plus basse possible. S’il n’y a pas une catégorie appropriée d’actions de gel disponible et si les statuts de modification ne sont pas obtenus pour en ajouter en temps opportun, la possibilité de geler ou de regeler à la valeur la plus basse possible pourrait être perdue.

Stratégies d’utilisation des pertes

Particuliers

Une stratégie potentielle d’utilisation des pertes pour les particuliers mariés consiste à transférer une perte en capital d’un conjoint à un autre, par le biais d’une vente d’actions. Le conjoint vendeur ne doit pas faire le choix de procéder par roulement fiscal, de sorte que les règles d’attribution ne s’appliquent pas. Le conjoint acquéreur doit détenir les actions pendant une période d’au moins 30 jours. La perte constituera une « perte apparente » et sera réputée nulle. Le prix de base rajusté des actions du conjoint acquéreur sera augmenté de la perte apparente subie par le conjoint vendeur. Finalement, lors d'une disposition ultérieure de ces actions, une perte en capital sera déclenchée pour le conjoint acquéreur.

Sociétés

Il est également possible pour un individu de transférer des placements à perte vers une société. Les règles relatives aux pertes apparentes sont à l’effet qu’une perte en capital est généralement refusée lorsqu'un contribuable transfère une immobilisation et qu'une personne affiliée l'acquiert dans les 30 jours suivant la disposition. Si un contribuable transfère une immobilisation à une société affiliée, la société ajoute le montant de la perte refusée au prix de base rajusté du bien reçu. Par conséquent, le prix de base rajusté pour la société de ces titres est égal à la somme de la juste valeur marchande des titres ainsi transférés et du montant de la perte refusée.

Les opérations internes de consolidation des pertes entre des parties affiliées ne déclenchent habituellement pas de vérification fiscale sous la RGAÉ, en autant que les transactions aient un effet juridique véritable et ne visent pas à contourner les dispositions de la loi se rapportant au transfert des pertes.

Charges intercorporatives

De plus, il est possible d'instaurer des charges intercorporatives pour l'utilisation d'actifs ou pour la prestation de services. De telles charges peuvent contribuer à consolider les revenus et les dépenses au sein d’un groupe corporatif. Cela est relativement simple et facile à mettre en œuvre. Cependant, les charges doivent être raisonnables et se rapporter à des services rendus de bonne foi afin d'être déductibles. De plus, des factures comprenant la description du travail effectué devraient être émises afin de supporter les montants facturés, lesquels devraient correspondre à la juste valeur marchande du travail effectué. Il est possible que des taxes de vente doivent être collectées et remises sur ces transactions.

Opérations de prêt pour l’achat d'actions privilégiées

Une autre planification visant à consolider les profits et les pertes au sein d'un groupe corporatif est l'opération de prêt pour l’achat d'actions privilégiées. Les étapes de cette planification sont les suivantes :

  1. ProfitCo emprunte de l'argent à une banque et utilise cet argent pour acheter des actions privilégiées d’une société affiliée (PerteCo). Le taux de dividende sur les actions privilégiées doit être supérieur au taux d'intérêt sur le prêt obtenu de la banque;
  2. PerteCo prête ensuite l'argent de la souscription d'actions à ProfitCo au moyen d'un prêt portant intérêt;
  3. ProfitCo rembourse son emprunt à la banque;
  4. PerteCo verse des dividendes à ProfitCo annuellement et tire des revenus d'intérêts de ProfitCo. De son côté, ProfitCo verse des intérêts à PerteCo et reçoit des dividendes de PerteCo.

Si cette planification est structurée adéquatement, les dépenses d’intérêts sont déductibles pour ProfitCo puisque le prêt a été souscrit dans le but de gagner un revenu sur un placement en actions privilégiées. ProfitCo reçoit également un dividende intersociétés non imposable. Enfin, PerteCo utilise les revenus d'intérêts pour compenser ses pertes existantes.

Pour que cette planification fonctionne, le taux des dividendes versés doit être supérieur au taux d'intérêt sur l'emprunt bancaire, afin que ProfitCo réalise réellement un bénéfice. Le montant du prêt bancaire doit également être commercialement raisonnable. Enfin, PerteCo doit avoir une source de profit indépendante, car le taux des dividendes versés est supérieur au taux d'intérêt. Cette technique pourrait être utile dans les semaines à venir, car le gouvernement a récemment discuté d’étendre l’octroi de crédit aux entreprises plus librement et avec un taux d'intérêt plus bas en raison de la crise de la COVID-19. L'ARC a confirmé que la RGAÉ ne devrait pas s'appliquer à ces types de transactions. Toutefois, il est à noter que cette planification peut être limitée en raison du concept de revenu protégé.

Fusions et liquidations

Selon la situation, des fusions ou des liquidations à imposition différée peuvent être utilisées pour compenser les revenus et les pertes au sein d'un groupe affilié. L'inconvénient d'une fusion est qu'elle entraîne une fin d'année réputée, ce qui peut provoquer une année d’imposition raccourcie. Il faut également s’assurer d’éviter une acquisition de contrôle. De plus, les pertes autres qu'en capital et les pertes en capital nettes subies par la nouvelle société issue de la fusion (FusionCo) ne peuvent être reportées qu'à une année d'imposition de ProfitCo dans laquelle ProfitCo est fusionnée avec une « filiale détenue en propriété exclusive ». Lors d'une liquidation, il n'y a pas de fin d'année réputée. Cependant, les actions de la filiale sont réputées être cédées pour un produit réputé. Par conséquent, avant la liquidation, il faut déterminer si cela crée un gain ou une perte. Cela ne devrait pas être problématique lorsqu'une filiale canadienne en propriété exclusive est liquidée dans sa société mère.

Utilisation de sociétés de personnes dans des groupes corporatifs

Il n'est pas toujours possible de fusionner ou de liquider plusieurs entités en une seule entité. Une autre solution consiste à transférer une entreprise dans une société de personnes. La structure d’une société de personnes permet aux groupes corporatifs d'accéder aux pertes et aux revenus. À titre d’illustration, lorsque ProfitCo détient 100 % des actions émises et en circulation de PerteCo, la planification suivante pourrait être mise en place :

  1. ProfitCo incorpore une société, CommanditéCo;
  2. CommanditéCo et PerteCo forment une société en commandite pour exploiter l'entreprise de PerteCo;
  3. PerteCo transfère son entreprise à la société en commandite en franchise d'impôt conformément au paragraphe 97(2) de la Loi;
  4. PerteCo est liquidée dans ProfitCo. ProfitCo devient la commanditaire de l’entreprise à perte et les deux entreprises sont toujours séparées.

En conséquence, les pertes autres qu'en capital existantes de PerteCo deviennent des pertes autres qu'en capital de ProfitCo. Les pertes futures de l'entreprise peuvent également être allouées à ProfitCo à la fin de l'année d'imposition, sous réserve des règles de la « fraction à risque ».